samedi 18 avril 2015

Interview de Vanessa Wagner - Pianiste

Festival Messiaen : Ce n’est pas la première fois que vous participez au festival, qu’est ce qui vous a motivé à y participer ?
Vanessa Wagner : Je suis venue deux fois dans ce festival, et je suis très heureuse d'être réinvitée. C'est un festival très exigeant dans lequel la programmation est toujours pensée et originale, avec un vrai sens, une ligne directrice très forte et une identité très affirmée. 
FM : Qu’aimez-vous dans ce festival ?
VW : L'endroit est tout à fait magique. Cette petite église à l'acoustique incroyable a une âme et les vues environnantes sont très inspirantes, mystiques, l'âme de Messiaen plane sur ce lieu. Le public aussi est assez unique, des marcheurs, des mélomanes, des puristes, tous prêts à entendre, découvrir des œuvres peu jouées dans les autres festivals d'été. C'est un festival à l'opposé des endroits où l'on se montre. Tout est autour de la musique. 
FM : Y a-t-il une année que vous avez particulièrement appréciée ?
VW : J'ai toujours aimé venir, et suis même honorée de faire partie des artistes réinvités, tant l'exigence de la programmation est forte.
FM : Qu’est ce qui fait, d’après vous, de ce festival un festival unique ?
VW : La programmation, l'accès pas évident, la beauté des paysages, la grandeur des montagnes, le public extrêmement attentif et passionné, la grande connaissance musicale du directeur artistique
FM : Aimeriez-vous participer aux prochaines éditions ?
VW : A votre avis? :-)
Vous pourrez retrouver Vanessa Wagner sur la scene du Festival Messiaen au Pays de la Meije le dimanche 12 juillet à 21h ainsi que le lundi 13 juillet à 21h.

Interview de Marko Letonja - Chef d'orchestre

Festival Messiaen : Pourquoi avez-vous accepté ce défi consistant à diriger votre orchestre dans ces conditions exceptionnelles ?

Marko Letonja : Car le festival Messiaen au pays de la Meije est un festival incontournable et je suis conscient de la chance que j’ai d’être l’ambassadeur de la musique contemporaine française.

FM : Le fait que vous dirigiez à 2400m d’altitude, va-t-il modifier la mise en place acoustique de l’orchestre ?

ML : Je ne pense pas, mais nous verrons bien une fois sur place !

FM : Selon vous, cette performance exceptionnelle va-t-elle  apporter une nouvelle dimension à la musique ?

ML :J’espère réellement que ça va donner une nouvelle dimension à la musique et l’élever à un niveau supérieur.

FM : Avez-vous déjà assisté ou réalisé une telle performance, en termes de mise en scène, dans le monde de la musique ?

ML : Non, je n’ai jamais réalisé une telle performance.

Vous pourrez retrouver Marko Letonja sur la scène du festival Messiaen au Pays de la Meije le samedi 18 juillet à 18h pour un concert exceptionnel à 2400m d'altitude.
Propose recueillis par Margaux Brisson

Interview de Florent Boffard - Pianiste

Festival Messiaen : Depuis combien de temps vous intéressez vous à la musique ?

Florent Boffard : J’ai débuté l’apprentissage du piano à l’âge de 5 ans et demi. C’est mon père qui a commencé mon éducation musicale puis très vite, vers l’âge de 11ans, j’ai poursuivi de manière autonome. Pour moi c’était une évidence, je ne pouvais pas m’arrêter.

FM : Par quelles écoles et/ou conservatoire êtes-vous passé ?

FB : Au début, c’est mon père qui m’a appris le piano, puis un professeur de la ville de Lyon. Je suis très vite entré au conservatoire de Lyon et à celui de Paris dans lequel je suis resté jusqu’à l’âge de 22ans.

FM : Etes-vous particulièrement attiré par la musique contemporaine ?

FB : J’ai été membre de l’ensemble inter-contemporain pendant 12ans. Il a été créé et dirigé par Pierre Boulez. Au départ j’y suis allé par curiosité, puis je m’y suis investi à 100%. A partir de là et suite à mes études, la musique contemporaine m’est apparue comme une évidence.

FM : Pour quelles raisons ?

FB : La musique contemporaine a toujours fait partie de mon répertoire. De plus, c’est plus simple de se rapprocher d’une musique  qui est en relation avec notre temps. On peut rencontrer les artistes qui ont fait naitre et vivre ce mouvement, on peut leur poser des questions, ça nous aide à mieux nous imprégner de la musique.

FM : Pourquoi avoir choisi d’enseigner ?

FB : Tout d’abord j’ai commencé par enseigner le déchiffrage des partitions pendant 12ans à Paris puis le piano au CNSM de Lyon. C’est pour moi bien plus qu’un métier, c’est une passion. L’enseignement, surtout en musique est avant tout un partage. J’ai la chance de travailler au CNSM de Lyon, je suis donc face à des étudiants de talent et qui ont un niveau très élevé. C’est donc un travail aller-retour qui s’effectue. Je leur enseigne ce que je sais tout comme eux m’apportent énormément. On dialogue et lorsque l’on n’est pas d’accord, c’est un débat qui se met en place, dans lequel l’étudiant ou le professeur en ressort toujours grandi.

FM : Aimez-vous être sur scène ? Préférez-vous enseigner ou faire des concerts ?

FB : Ces deux activités sont complémentaires. Je ne pourrai pas me passer ni de l’enseignement ni de la représentation.

FM : Avez-vous déjà composé ?

FB : Non, et pour être honnête je n’envisage pas de le faire un jour. Le piano est une passion mais je ne pense pas arrivé un jour à composé à l’égal de ces grands compositeurs que sont Pierre Boulez ou Messiaen. J’ai beaucoup trop d’humilité pour composer.

FM : Lorsque vous jouez sur scène, ressentez-vous quelque chose de particulier ? Avez-vous le sentiment d’être investi d’une mission, de réaliser les intentions du compositeur ?

FB : Lorsque l’on a le rôle d’interprète, on livre une traduction musicale de l’œuvre. C’est un partage qui se fait entre nous, le public et le compositeur lui-même. C’est un moment de réel plaisir, c’est riche et valorisant de se dire que l’on est capable de retranscrire l’œuvre d’un grand maitre. Parfois il arrive que l’on ne soit pas en phase avec le compositeur. Mais la musique est un apprentissage de longue haleine, c’est le travail d’une vie…

FM : Quelle est la part d’inné et la part d’effort dans la réalisation d’une interprétation ?

FB : On ne peut pas dire qu’il y ai vraiment une part d’inné, c’est une intention cultivé, on apprend au fil des années, on a une part d’assimilation qui nous permet d’aller plus vite à l’essentiel.
L’effort est une évidence, une interprétation nécessite un travail fastidieux et long. Il faut comprendre et digérer les œuvres pour pouvoir les interpréter correctement.

FM : Qui sont vos références ? pourquoi ?

FB : J’ai beaucoup de références, notamment les professeurs qui m’ont accompagné durant mon apprentissage : Germaine Mounier, Jean Koerner, Pierre Boulez etc.
Bien sur Messiaen tient un rôle majeur. C’est un géant de la musique contemporaine qui a composé un répertoire incontournable pour piano.

Vous pourrez retrouver Florent Boffard sur la scene du Festival Messiaen au Pays de la Meije le dimanche 19 juillet à 17h
Propos recueillis par Margaux Brisson

Interview de Mathieu Dupouy - Claveciniste

Festival Messiaen : Depuis combien de temps vous intéressez-vous à la musique ?

Mathieu Dupouy : Mes premiers souvenirs musicaux remontent au moment où j'ai commencé à pratiquer la musique, c'est à dire plus ou moins depuis l'âge de 6 ans.

FM : Pour quelles raisons avez-vous accepté de jouer pour la première fois au Festival Messiaen au pays de la Meije ?

MD : C'est François-Bernard Mâche qui a proposé que je joue ici, dans le cadre de l'hommage qui lui est rendu cette année. Je l'ai rencontré en 2013, à l'occasion d'un concert dans lequel j'avais joué sa très belle oeuvre Anaphores, pour clavecin et percussions.

FM : Par quels conservatoires êtes-vous passé ?

MD : Mes études se sont déroulées tout d'abord dans ma ville natale de St Nazaire, puis au CNSM de Paris, où j'ai étudié le clavecin avec Christophe Rousset, puis avec Pierre Hantai, Olivier Baumont et Christophe Coin en cycle  de perfectionnement. J'ai également étudié le pianoforte avec Patrick Cohen au CNR de Paris.

FM : Comment pouvez-vous musicalement passer de Bach à Mâche ?

MD : Parce que je passe mon temps à le faire depuis des années! Ma vie de musicien m'amène en effet à alterner des concerts de musique baroque (mon activité principale), mais aussi de musique classique ou romantique au pianoforte, et quand j'en ai l'occasion de musique contemporaine. Je tiens néanmoins à jouer le répertoire du XXe siècle (De Falla, Martinu, Ligeti, Schnittke...), et travailler quand c'est possible avec les compositeurs. Ce qui m'a amené à rencontrer, lorsque j'interprétais leurs oeuvres, des compositeurs comme  Henri Dutilleux, Richard Dubugnon, Bruno Mantovani ou François-Bernard Mâche.

FM : Etes-vous particulièrement attiré par la musique contemporaine ?

MD : Même si mon métier de claveciniste m'amène à être particulièrement documenté sur la période des oeuvres que je joue le plus fréquemment, c'est à dire majoritairement les XVIIe et XVIIIe siècles,  je ne me considère pas comme quelqu'un ayant une attitude nostalgique vis-à-vis du passé. Je tiens au contraire à toujours garder à l'esprit que je joue du clavecin ici et maintenant, devant mes contemporains. Je crois donc qu'il est aussi de mon devoir d'artiste de prêter mes doigts à ce même public : c'est à dire les créateurs contemporains. C'est un langage avec lequel je me sens en phase parce que c'est l'expression du monde dans lequel nous vivons tous. Malgré toutes les difficultés qu'il peut y avoir dans une pièce contemporaine, j'ai toujours la satisfaction d'avoir le sentiment d'y être à ma place, alors que la musique du passé soulève tellement de questions, parfois sans réponses!

FM : Vous êtes un jeune artiste, avez-vous déjà composé des œuvres musicales ?

MD : Non. Musicalement, je suis fondamentalement un interprète, de la même manière qu'être un comédien et un auteur sont deux choses différentes. Il y a bien sûr eu dans l'histoire de nombreux cas d'interprètes - compositeurs, mais le plus souvent, ils étaient surtout les interprètes de leur propre musique. Je crois que même si quelqu'un pratique les deux activités, il doit en tout cas se mettre dans deux états d'esprit très différents : le compositeur est solitaire dans son activité, tourné vers l'expression de lui-même, alors que l'interprète doit rentrer dans un univers qui lui est à l'origine étranger, le faire sien et le projeter vers le public.

Vous pourrez retrouver Mathieu Dupouy sur la scène du festival Messiaen au Pays de la Meije le vendredi 17 juillet à 17h.
Propos recueillis par Margaux Brisson.

vendredi 17 avril 2015

Interview de Tristan Murail - Compositeur

• Comment en êtes-vous venu à composer ?

- j'ai commencé à apprendre le piano quand j'avais 6 ans, mais ce qui m'intéressait plus que les gammes et les arpèges, c'était de déchiffrer des partitions et d'improviser ; pour moi, la musique, cela a toujours été synonyme de créer

• Quelles études avez-vous suivies au conservatoire de Paris ?

- la classe de composition d'Olivier Messiaen


• Depuis combien de temps composez-vous ?

- j'ai écrit ma première petite pièce quand j'avais 8 ou 9 ans


• Comment va naître une œuvre ? Comment envisagez-vous la création d’une œuvre ?

- chaque œuvre est différente, et peut avoir un point de départ différent : technique, algorithmique, "poétique", littéraire, pictural…

Quand j'ai un problème à résoudre, je vais marcher dans la garrigue, derrière chez moi, et les idées viennent (pas toujours !)

• De quelle manière procédez-vous ?

- je travaille mes esquisses sur ordinateur, à l'aide de logiciels "CAO"  ( composition assistée par ordinateur - j'ai autrefois contribué à les élaborer, à l'IRCAM) , puis j'établis une partition finale manuscrite


• Où puisez-vous votre inspiration ?

- l'inspiration, qu'est-ce que l'inspiration ?…

Venez retrouver l'oeuvre de Tristan Murail sur la scène du festival Messiaen au pays de la Meije le vendredi 17 juillet à 21h.

Propos recueillis par Margaux Brisson

Interview de François-Bernard Mâche - Compositeur

• Pour vous que représente le personnage d’Olivier Messiaen dans l’univers de la musique classique contemporaine ?          

- Messiaen occupe dans l'histoire de la musique une place qui par certains aspects rappelle un peu celle de Picasso dans les arts plastiques : maîtrise complète de toutes les techniques traditionnelles, et désir permanent d'aller chercher ailleurs, afin de mieux exprimer un imaginaire très personnel. De plus, son rayonnement international a une dimension presque sans précédent. C'est par exemple le seul compositeur dont le nom ait été attribué de son vivant à une montagne, le Mount Messiaen de l'Utah…

• Il a été votre maître, vous a-t-il beaucoup influencé dans votre orientation musicale ?

- Oui, dans les années 50. Il encourageait parfois ce qui chez moi ne lui ressemblait pas, comme l'engagement dans les musiques électroacoustiques. Elles correspondaient pour lui à l'essai, Timbres-durées, qu'il avait désavoué. Il m'a confirmé dans mon choix de travailler au studio du GRM plutôt que dans un conservatoire néo-sériel. Il avait toutefois un peu de mal à approuver mon intégration de sons bruts dans l'écriture instrumentale, en particulier les chants d'oiseaux de Naluan. C'est l'époque où je me suis un peu détaché de son influence.

• Quels traits de sa personnalité vous ont le plus marqué ?

- La bienveillance, la générosité, la liberté, l'imagination poétique allant parfois jusqu'à une certaine naïveté, et la force de ses convictions même les plus critiquées.

• C’est en 1958, lorsque vous assistez au concert de Ustad Vilayat Khan, que vous tombez amoureux de la musique classique indienne.  Le thème de cette année « Orient Occident » vous inspire donc ?

- Certainement. Par exemple une de mes oeuvres, Solstice, pour clavecin et orgue positif, est entièrement écrite dans une échelle modale karnatique, nâtakapriya. Une amie indienne qui l'écoutait y trouvait quelque chose de familier malgré toutes les différences. Une autre, Phénix, un solo de percussion, a une longue introduction organisée à l'image d'un âlap indien, c'est-à-dire l'exploration des intervalles caractéristiques de l'échelle modale, bien que celle-ci, déployée sur deux octaves, ne soit pas du tout indienne, mais inventée.

• En 1972, vous partez à la découverte de ce que vous appelez le « paradis musical » (Malaisie, Sumatra, Bali…) qu’est ce que cela vous a apporté ?

- Une certaine révélation de l'oralité, me confirmant dans ma conviction que le culte de l'écriture n'était pas la seule voie pour accéder à une vraie richesse musicale. Egalement, une réflexion sur le professionalisme par rapport à l'amateurisme. En Indonésie, leur opposition se définit dans de tout autres termes qu'en Europe.

• A côté de Messiaen,  avez-vous subi l’influence d’un ou plusieurs autres compositeurs ?

- J'ai beaucoup admiré Varèse et Xenakis, pour leur exigence, pour leur violence maîtrisée. Et aussi Ligeti, pour sa sensualité si originale. Mais je ne suis pas sûr d'avoir subi leur influence.

• Aujourd’hui, vous continuez de faire honneur à sa mémoire avec vos œuvres, subsiste-t-il  dans vos œuvres une référence à Messiaen ?

- Pas consciemment, en tout cas. Sauf peut-être une certaine "inquiétude rythmique", parfois…, mais avec d'autres techniques. Une fois, Messiaen m'avait félicité pour avoir osé écrire des triolets et quintolets enjambant la barre de mesure. Je n'ai pas poursuivi dans ces jeux d'écriture, mais plutôt dans la transcription minutieuse des rythmes complexes de modèles naturels : par exemple les rythmes des vagues dans Amorgos ou les polyrythmies des amphibiens dans plusieurs oeuvres.

Vous pourrez retrouver François-Bernard Mâche sur la scène du festival Messiaen le mardi 15 juillet à 21h, et un hommage lui sera rendu le vendredi 17 juillet à 17h par Mathieu Dupouy.
Propos recueillis par Margaux Brisson